Nouer-lier-tisser : les forces transformatives d’une esthétique des coraux

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Résumé

Cette contribution tente d’éclairer les propriétés transformatives de stratégies artistiques au prisme de pratiques et de théories du lien. Face à la mortalité des récifs coralliens, des artistes interviennent dans le champ médiatique pour « tisser ensemble » un mouvement de mobilisation salvateur. L’analyse transversale de trois projets majeurs (de Margaret et Christine Wertheim et de Jérémy Gobé) contextualise cette recherche sur la nature de la force argumentaire de l’art. Les ancrages théoriques (notamment philosophiques, esthétiques, sémiotiques) étayent la compréhension des interrelations qui peuvent se construire (se tendre et se nouer) entre ces projets et les spectateurs, pour les « faire comprendre » et les « faire agir ».

 Mots-clés : art, esthétique, mobilisation, lien, stratégies.

Abstract

This contribution attempts to shed light on the transformative properties of artistic strategies through the prism of practices and theories of linkage. Faced with the mortality of coral reefs, artists are intervening in the media field to « weave together » a life-saving mobilization movement. A transversal analysis of three major projects (Margaret and Christine Wertheim, and Jérémy Gobé) contextualizes this research into the nature of art’s argumentative force. Theoretical anchors (notably philosophical, aesthetic and semiotic) underpin our understanding of the interrelationships that can be built (strained and knotted) between these projects and viewers to « make them understand » and « make them act ».

 Keywords : art, aesthetics, mobilization, connection, strategies.

Nouer-lier-tisser : les forces transformatives d’une esthétique des coraux

Knot-bind-weave: the transformative forces of a coral aesthetic

Introduction : du sud « au nord c’étaient des coraux… »

Partout sur Terre ou plut… eau en mer, le réchauffement climatique a altéré de nombreux coraux et notamment la Grande Barrière australienne (GB) depuis les années 1990. On parle aujourd’hui d’Anthropocène pour désigner cette nouvelle ère marquée par l’influence de l’activité humaine sur l’histoire de notre planète et sur sa géologie, avec ses effets qui affectent durablement les écosystèmes « en surface et dans l’atmosphère, plus que l’action tellurique » (ARDENNE : 2019). Notre crise écologique peut-elle être considérée comme une crise de la « négligence » de nos relations constitutives avec nos milieux de vie ? (SERRES : 1990 ; LATOUR : 2015). Nous devons plus que jamais renouveler la qualité des eaux par la diminution progressive des émissions de CO2, en réduisant le tourisme de masse, la pression de l’habitat humain du littoral[1] avec ses rejets polluants (multiplication de ses déchets microplastiques) et la surpêche côtière par une meilleure connaissance de ces effets néfastes sur le récif corallien. 

Dans ce contexte, comment les artistes peuvent-ils donner forme à cette mobilisation générale ? Si l’on considère que « tout art dans la nature n’est pas forcément un art pour la nature » (BREBION : 2021), sous quelles conditions les œuvres et les pratiques esthétiques parviendront-elles à contrebalancer les synergies délétères actuelles ? 

Du point de vue méthodologique, nous avons choisi l’analogie des matériaux utilisés (fils naturels ou biopolymères non toxiques) pour démêler l’écheveau et tirer un fil rouge entre les nombreux appareils théoriques que ces projets ne manquent pas de mobiliser. En prenant compte de certains enjeux politiques et sociaux ayant généré ce désastre climatique, nous souhaitons étudier les attitudes de respect, de soin et de protection (AFEISSA, LAFOLIE : 2015 ; CARLSON : 2018) envisagées pour changer les comportements. Notre contribution propose de questionner les stratégies des « créativités environnementales » (BLANC : 2016) au moyen de l’analyse transversale des trois projets suivants : 

– Margaret et Christine Wertheim : Crochet Coral Reef, lancé en 2005, et Baden-Baden Satellite Reef (projet collaboratif international), musée Frieder Burda, Baden-Baden, 2022.

– Jérémy Gobé : Corail Artefact, amorcé en 2017.

Depuis 2005, les artistes Margaret et Christine Wertheim ont décidé de nous alerter sur ce cataclysme en révélant les ravages qu’occasionne le blanchiment des coraux, souvent consécutif aux nuisances humaines. C’est pourquoi elles ont réalisé d’immenses massifs de coraux entièrement tricotés avec du fil de laine, produits de l’hybridation de plusieurs disciplines comme la biologie sous-marine, les mathématiques (avec leurs codes de géométrie hyperbolique dans la pratique du crochet) et l’expérience activiste et collective de l’art. En quoi ces « créativités environnementales » (BLANC : 2016, p. 143), c’est-à-dire les œuvres et les pratiques esthétiques prenant en charge l’urgence écologique, permettent-elles d’enrichir les modes d’action écologique (DELORME : 2019, p. 541) ?

Interrogé au sujet du potentiel de ses expérimentations dentellières, Jérémy Gobé rappelle l’ancrage de l’art dans le réel : « Les artistes, nous sommes dans la vie, dans la société. Nous ne sommes pas des albatros à la Baudelaire complètement en dehors du monde. » Il souligne que « l’art n’est pas qu’une illustration, qu’une manière de dénoncer, mais qu’[il] est aussi des forces de propositions » (GOBÉ cité par MOURGUES : 2021).

Du point de vue théorique et dans un premier temps, nous aborderons philosophiquement et esthétiquement les problématiques d’écosophie qui dénoncent les graves phénomènes de déséquilibre écologique dus à la détérioration progressive et simultanée de l’intelligence, de la sensibilité, des modes de vie individuels et collectifs (GUATTARI : 1989 cité par ANTONIOLI : 2013). 

Dans un second temps, nous approfondirons, du point de vue sémiotique, les possibilités transformatives des dispositifs artistiques étudiés. En s’intéressant à la nature des interrelations qui peuvent se construire (se tendre et se nouer) entre ces projets et les spectateurs, il s’agira d’éclairer les leviers de ce « travail » sur le réel engagé par ces œuvres (ZILBERBERG : 2009). Ainsi, lorsque le fil se fait lien, les mouvements de liaison et de déliaison de sens induits (interrelations œuvre-spectateur) sont appréciables, sémiotiquement parlant, en termes de stratégie rhétorique et de schème argumentatif, c’est-à-dire sous les aspects d’une éthique des pratiques (PERELMAN : 1988 ; FONTANILLE : 2008). Dès lors, le pouvoir des œuvres ne reposerait-il pas sur une force argumentaire transformative articulant un pouvoir-« faire comprendre » à un pouvoir-« faire agir » ? Avec une représentation-conception capable de « tisser ensemble », tout en interrogeant les effets de ces expériences créatives poétiques, les collectifs artistiques ne peuvent-ils pas in fine agir sur les collectifs politiques afin de sauver notre planète (BARBANTI, BORDINI, VERNER : 2012) ?

Contexte de recherche : l’art face aux dérèglements écologiques

Biologiquement parlant, les coraux ne peuvent survivre que dans une eau propre, baignée d’une lumière chaude et vivifiante. Fragilisée par une chaleur excessive de l’eau et par l’acidification des océans, la barrière récifale aux carcasses blanchies finit par se briser, faute de nutriments. 

Face à l’ampleur du dérèglement écologique, plusieurs mouvements se sont développés comme processus de réflexion, à l’instar de l’éco-art, l’art écologique, de l’écologie de l’attention et du care, et d’un écoféminisme très impliqué(GLICENSTEIN : 2022). Devant les lourdes menaces qui pèsent sur la survie des espèces et avec la raréfaction des ressources, il devient plus qu’urgent de s’investir pleinement par la quête d’une nouvelle éthique (ARDENNE : 2019). La théorie et l’éthique du care énoncées par Carol Gilligan (1982) mettent en exergue la fragilité et l’écoute des autres en permettant à chaque individu sur notre planète de dépendre de l’environnement auquel il appartient. En suggérant des actions politiques en ce sens, les écoféministes se sont réapproprié cette pensée pour l’adapter à d’autres entités non humaines (RAFFARD : 2022, p. 83 et 87). Le problème inhérent au dérèglement climatique a envahi tout le champ médiatique en s’immisçant activement dans nos comportements de tous les jours et en remettant en question nos rapports à l’environnement (cela inclut notre relation à l’eau, « au minéral, aux animaux, aux plantes, aux bactéries ») (ARDENNE : 2019, p. 44). Nous abordons ainsi ce qui lie l’humain au non-humain. 

Les artistes écologiques inspirés ou parfois aspirés par un écoféminisme engagé peuvent également revendiquer une écologie sociale, à l’instar des jumelles Wertheim, qui ont utilisé pour matériaux des techniques traditionnellement perçues comme bien féminines (travaux au crochet, broderies, textiles). L’art devient alors un guide avec des méthodes d’apprentissage pour une reconstitution de la réalité en interrogeant le re-tissage de liens sociaux (DENEUVILLE et al. : 2022, p. 106).

Baptiste Morizot (2021, p. 79) pense que notre crise écologique a engendré une perturbation de nos rapports dans l’« appauvrissement de ce que nous pouvons sentir, percevoir, comprendre et tisser comme relations à l’égard du vivant ». En réévaluant notre sollicitude aux vivants, nous mesurons ainsi l’importance de son caractère individuel et collectif. Citons Yves Citton (2014, p. 202) lorsqu’il déclare : « J’accorde mon attention à ce que je valorise et je valorise ce à quoi j’accorde mon attention. » Cette urgence environnementale suppose de re-tisser « les liens entre sensibilité attention intérêt, connaissance, éthique et politique » (de PAIVA : 2022, p. 10-29).

Comment définir cette écologie de l’attention ? Jacques Rancière (2000) conforte la pensée de ce fil tramé entre expériences esthétiques et actions politiques qu’il évoque par « la façon dont les formes d’inclusion et d’exclusion qui définissent la participation à une vie commune sont d’abord configurées au sein même de l’expérience sensible de la vie » (cité par de PAIVA : 2022, p. 29). Pour cela, il s’agit avant tout que l’environnement ne détruise pas ceux qui y vivent et, à l’inverse, que ceux qui y vivent ne viennent pas saccager cet environnement en menaçant leur propre survie. Par ailleurs, si le penseur Aiko Huckauf (2005) (cité par de PAIVA : 2022, p. 11) souligne bien l’enjeu didactique de la vulgarisation des connaissances scientifiques concernant le bouleversement de la biodiversité, il juge également nécessaire d’envisager des « conservateurs de l’expérience » et des « créateurs de l’expérience » en instaurant ainsi d’autres fonctions de l’art face à une situation de crise écologique. Celui-ci préfère les démarches concrètes aux ressentis esthétiques, à l’inverse du Crochet Coral Reef des jumelles Wertheim, qui ont axé davantage, comme nous le verrons ultérieurement, leur œuvre sur l’harmonie et la séduction, en accordant une dimension poétique et esthétique aux sciences et aux mathématiques. 

Esthétisation de la nature

Paul Ardenne (2019) considère que beaucoup de créateurs ont pris conscience « de l’urgence d’une réplique verte » face aux bouleversements climatiques, en instaurant de nouveaux modes d’expression de quintessence écologique. Afin de faire évoluer les mentalités, pour « réparer le vivant », pour retisser de nouveaux liens avec la Terre et la mer. Le plus souvent, leurs œuvres se travaillent in situ en harmonie avec la nature ; d’autres sont le produit du recyclage ou d’expériences en laboratoire. Mais certaines constituent aussi le fruit d’une création participative et poétique de la responsabilité avec, notamment, l’impact moral suscité par les œuvres des sœurs Wertheim. 

Ainsi, leur monumental Crochet Coral Reef interpelle en mettant en lumière les trois fonctions critiques engagées par ces créativités environnementales, à savoir « révéler, alerter, contester » selon les termes cités par Delorme (2019). Révéler, c’est aussi une manière de dévoiler les faiblesses d’un régime consumériste en témoignant d’une réalité souvent cachée. Les expériences esthétiques de Margaret et Christine Wertheim nous permettent de ce fait d’appréhender tout d’abord la situation intolérable dans laquelle se trouve le récif corallien (révéler), puis la poétisation de l’œuvre elle-même nous plonge dans un imaginaire collectif pouvant éveiller une mobilisation générale (alerter) et enfin ce Crochet Coral Reef va dénoncer toute dialectique mortifère avec l’espoir coloré d’un avenir meilleur, en ravivant ses formes scintillantes face à cette « crise civilisationnelle » (dénoncer).

« Crochet Coral Reef »

Les deux sœurs australiennes ont décidé de dénoncer cette catastrophe environnementale en imaginant « plastiquement » un univers fabuleux et crocheté de différentes techniques artisanales. Diversement coloré dans ses formes crénelées, le Crochet Coral Reef[2] confère une approche artistique pertinente à cette double calamité dévastatrice dans la vie sous-marine : le changement climatique et les résidus microplastiques. Ses aspects « froufroutants » représentent l’expression sublimée de surfaces hyperboliques avec les mêmes structures rutilantes que celles des matières vivantes du récif corallien. 

Plus de vingt mille personnes expérimentées (dont 99 % de femmes) ont contribué à cette installation coopérative. En associant l’art aux sciences naturelles, les mathématiques à la pratique communautaire du crochet, les jumelles Wertheim ont démontré les potentialités artistiques de ces techniques artisanales pour la représentation scientifique. Et par ces créations collectives titanesques, elles effacent les frontières entre disciplines (sciences, biologie et art) par la diversité des participants (50 pays représentés), dans leur culture, leur classe ou leur genre. Chaque catégorie concourt pour un effet commun de résilience.

Ce récif géant dentelé entrepris depuis 2005 a été exposé à la Biennale de Venise en 2019, puis présenté augmenté, en 2022, au musée Frieder Burda de Baden-Baden. L’installation itinérante collaborative, avec ses quarante mille récifs satellites de laine et de fibres textiles dévoilés, a exigé un nombre considérable d’heures de travail pour la « restitution plastique » de cette composante sous-marine, en ajoutant ainsi une dimension temporelle à la prise de conscience. Certains récifs décolorés ou toxiques ont été réalisés à l’aide d’objets ou de matières plastiques comme des bandes vidéo, des guirlandes et autres résidus, pour mieux nous sensibiliser à cette pollution dévastatrice. Près de quatre mille participants allemands ont œuvré pour développer le récif commencé par les sœurs Wertheim avec de nouveaux coraux crochetés. 

Cette manière de « tisser ensemble » un nouveau monde a bien permis d’attirer l’attention sur la crise majeure qui menace les récifs coralliens en tricotant des courants de vagues en laine multicolore. Ces installations monumentales ont envahi l’espace muséal en une multitude impressionnante d’îles coralliennes tridimensionnelles et d’un assemblage mural de grosse ampleur. Par ailleurs, cette œuvre communautaire évoque, outre son aspect biologique, une réalité sociale où l’individuel rejoint le collectif dans un ensemble coopératif salvateur. À l’image de ces véritables récifs, Crochet Coral Reef s’expose dans une démarche solidaire de masse, où chacun et chacune doit participer à la survie d’un groupe. Cette œuvre concourt à la fusion de réalités scientifiques, sociales et artistiques dans un processus néanmoins ludique et poétique, avec pour objectif de nous alerter sur l’urgence climatique. L’art, comme processus de démarche ou d’action, permettrait de se polariser notamment sur le renforcement de connexions entre participants (DENEUVILLE et al. : 2022, p. 107). 

Alerter, c’est bien donner « formes » (DELORME : 2019) à la dévastation écologique actuelle en composant un imaginaire collectif face à une insensibilité et une indifférence bien souvent trop silencieuses. « Décrire, c’est toujours non seulement informer, c’est alarmer, émouvoir, mettre en mouvement, appeler à l’action, peut-être même sonner le tocsin » (LATOUR : 2015). Les expériences esthétiques des créativités environnementales ont le pouvoir de réveiller les consciences politiques et leurs trois fonctions critiques (révéler, alerter et contester) s’accompagnent de « fonctions d’invention » comme l’écotopie, où se conçoivent des rapports inédits avec la nature notamment, avec la création de nouveaux imaginaires théoriques ou pratiques, instruisant de nouveaux mouvements s’articulant autour de la transition écologique, par exemple.

Les techniques du crochet employées

Cette installation collective réinvente les coraux par une pratique ancestrale du tricot. Selon Margaret Wertheim (citée par LÉVY : 2022), « leurs formes particulières découlent de la géométrie hyperbolique et pour matérialiser ces structures, les mathématiciens se servent de cette technique ». En revalorisant les « arts » des femmes notamment et l’artisanat, Crochet Coral Reef se présente sous la forme d’une immense série de 40 000 satellites tout en crochet et en fibres textiles. Parmi eux, Bleached Reef au reflet funeste nous montre, sous l’aspect de squelettes, des coraux décolorés comme javellisés par l’altération des océans, lorsque Toxic Reef nous fait percevoir leur longue agonie avec ses spirales nuisibles de bandes vidéo. Certains cnidaires ont été réalisés avec de la laine tricotée à des résidus plastiques assemblés au hasard. 

En revanche, Branched Anemon Garden rayonne sous l’éclosion de rouges flamboyants et d’oranges pétillants pour une représentation hybridée de la GB et des montagnes australiennes. De lumineux Pod Worlds nous invitent à découvrir un monde en miniature, baigné d’une gracieuse magnificence. La pratique du crochet n’impose aucune limite en matière de dimensions, puisque les boucles maillées se joignent les unes aux autres et dans tous les sens, en permettant la réalisation de ces installations à grande échelle. En écho à ces coraux, les deux sœurs ont créé The Midden, un immense filet avec 220 kg de déchets en plastique qui flottent au-dessus de nos têtes, telle une épée de Damoclès. 

Expérience mathématique

Ce projet artistique a supposé également une étude mathématique préalable, impliquant une recherche géométrique hyperbolique avec la réalisation manuelle de formes de volants crochetés variées et variables, semblables à des organismes marins vivants. 

La critique d’art Frédérique Joseph-Lowery nous révèle que Daina Taimiņa, mathématicienne californienne, a prouvé en 1997, grâce au fil, qu’un modèle hyperbolique était possible. Cette découverte décisive avec la réalisation de ce modèle mathématique en laine « n’est rien moins que la théorie de la relativité et la réflexion sur la forme de l’univers qui s’est construite à partir de cette structure » (JOSEPH-LOWERY : 2017). Elle rapporte pour éclairage les propos de Margaret Wertheim :

Si les mathématiciens avaient regardé les coraux […], ils auraient vu que le modèle mathématique, apparemment si difficile à reproduire, était en fait construit […] depuis des centaines d’années, par les femmes avec leur crochet. Ainsi la laine et, à travers elle, un art domestique féminin prouve que le postulat euclidien est faux[3].

La création artistique des deux sœurs s’inscrit ainsi bien au-dessus d’un cadre purement esthétique, puisqu’elle nous déplace également dans celui de la formation de notre univers. C’est pourquoi Crochet Coral Reef s’accompagne de dessins scientifiques de molécules qui s’exposent comme la duplication amplifiée de mailles de crochet. En donnant corps à la possible disparition des coraux, les deux artistes « activistes » instaurent une alliance réussie entre sciences de l’environnement, mathématiques et art dans un projet de grande envergure.

À cette étape, nous comprenons qu’au-delà de la dimension scopique de l’esthétisation de la nature spectaculairement mise en scène par les sœurs Wertheim, Crochet Coral Reef est intrinsèquement un projet qui fait lien, d’une part, parce qu’il est lui-même issu de savoirs et de savoir-faire interdisciplinaires et, d’autre part, parce qu’en conviant le public à des expériences uniques de co-construction, il tisse littéralement des liens communautaires techniques et imaginaires. 

Afin de poursuivre notre cheminement, nous nous intéressons au projet Corail Artefact, qui prolonge de manière singulière les liaisons entre les espaces muséaux et les fonds marins.

« Corail Artefact »

S’il est aujourd’hui présenté par son concepteur, Jérémy Gobé, en tant que « solution globale pour lutter contre la disparition des coraux[4] », Corail Artefact (depuis 2017) confère une épaisseur singulière aux expressions du « faire lien » et du « tisser ensemble ».

Ce projet protéiforme fait écho aux modalités textiles de « résurgence » de Crochet Coral Reef qui font véritablement remonter à la surface les fonds marins. Ils ont également pour point commun de valoriser des techniques et des savoir-faire artisanaux, mais aussi scientifiques, ainsi que de fédérer des communautés collaboratives afin de modéliser et (ré)générer des récifs coralliens. Leurs artefacts respectifs sont en quelque sorte des fac-similés artistiques du vivant. À cette différence près que Corail Artefact a opéré, au fil des années, un retour vers les profondeurs marines, au contact des coraux.

Du fil au corail

Au début des années 2010, Jérémy Gobé développe des pratiques d’hybridation de mobilier et de textiles anciens issus de collectes dans les réseaux de friperies et déchetteries. Il affirme une posture résolument dédiée à la préservation des savoirs et des techniques textiles anciens. Son engagement se densifie, au cours de son parcours, sous les aspects d’une véritable mission conservatoire des savoir-faire techniques et industriels en voie de disparition. Il multiplie les échanges avec des équipes ouvrières confrontées au démembrement de l’industrie textile française. « Il va à la rencontre des objets sans usage et des ouvrages non façonnés, des ouvriers sans ouvrages et des matières sans ouvriers[5]. » La première temporalité du « faire lien » réside dans le projet de préservation initié par la dynamique « revival » de ce plasticien, qui réactualise les pratiques textiles anciennes et les replace au cœur de pratiques artistiques contemporaines.

Il récupère par hasard des coraux qu’il va rigoureusement étudier d’un point de vue structurel mais également biologique. Dès lors, il explore méthodiquement les formes et les structures complexes des coraux dans divers matériaux (céramique, tissus, tricots, etc.). Cette étape concourt à l’émergence d’une concomitance phénoménologique entre la disparition simultanée des coraux et celle de l’industrie textile ; le monde du vivant perd peu à peu son tissu corallien, alors que le tissu industriel se délite. Dans les deux cas, les écosystèmes sont mis à mal, voire détruits, par des politiques économiques qui privilégient le profit au détriment du vivant, qu’il soit naturel ou bien social.

En 2018, Gobé expérimente la technique des dentelles au fuseau du Puy-en-Velay lors du Festival international des textiles extraordinaires[6] et constate l’existence d’analogies formelles et structurelles entre la dentelle et le squelette corallien. Cet événement constitue le point de bascule entre une pratique purement « plasticienne » et une démarche « fonctionnaliste » réparatrice. 

Gobé pense avoir trouvé une solution pour concevoir un support-substrat capable de capter et de fixer les larves des coraux. Les bases du projet Corail Artefact sont posées : la dentelle auvergnate possède les qualités requises (rugosité, souplesse et transparence) pour structurer et stimuler la régénération corallienne. D’autre part, le coton utilisé est un matériau biosourçable, biodégradable et biomimétique qui paraît satisfaire les contraintes de compatibilité avec le vivant. 

Les expériences montreront que les modalités de la culture du coton ne sont pas éco-compatibles. Corail Artefact devient alors un programme de recherche artistico-scientifique réunissant des experts pluriels avec l’objectif de concevoir des matériaux innovants. Les travaux aboutissent à la conception du BCA (une dentelle biopolymère) et du CCA (un béton écologique imprimable)[7]. Plusieurs brevets sont déposés et les recherches se poursuivent afin de finaliser une version filaire du BCA (un fil suffisamment fin) autorisant le tissage de dentelle spécifiquement destinée à la stabilisation des larves de corail.

De l’invention à la sensibilisation

Au fil des années, l’affinement de la connaissance des contraintes écologiques pesant sur les matériaux utilisés dans la mise en œuvre des procédures de sauvegarde du corail a profondément influencé le projet. Les bétons, plastiques, colle époxy et métaux communément usités jusque-là pour la culture coralliaire ne sont ni écologiquement produits ni même véritablement compatibles avec le vivant. Fort de ce constat, Jérémy Gobé a conçu une gamme de matériel biomimétique : kit de bouturage réunissant des outils (pinces, ciseaux, etc.), des clips et des supports multifonctions (bagues pour les coraux mous ou feuillus, valves pour les coraux branchus, corolles pour tous types de coraux) ou encore des dispositifs de captation des larves.

Plus qu’une entreprise de sauvegarde, Corail Artefact répond à une démarche philosophique fondamentalement écologique que Gobé souhaite, certes, partager avec ses partenaires, mais avant tout avec le grand public. Il nous semble que se noue là une seconde temporalité du « faire lien », plus étendue, qui relève du « tisser ensemble ». 

Nous évoquions précédemment la démarche activiste des sœurs Wertheim, réussissant une formidable fusion de réalités scientifiques, sociales et artistiques au sein de leurs pratiques collaboratives. Chez Gobé, l’activisme écologique glisse vers ce que nous nommons « activisme pédagogique » (ou pédago-visme) à destination d’un public pluriel (des jeunes scolaires aux séniors dans les Ehpad). Corail Artefact a rejoint l’initiative de Spindrift for Schools[8], un programme pédagogique destiné au soutien des actions d’éducation et de développement durable auprès des scolaires. L’éducation au développement durable s’inscrit dans le cahier des charges de la Décennie des Nations unies pour l’océanographie au service du développement durable (2021-2030)[9], dont la mission est d’« imaginer des solutions transformatrices […] au service du développement durable, tissant ainsi un lien entre les populations et notre océan »(SPINDRIFT FOR SCHOOLS : 2021).

La boîte à outils du « tisser ensemble » se compose de kits et de tutoriels. Des matériels pédagogiques soutenus par le réseau Canopé[10] abordent diverses thématiques.

Selon Jérémy Gobé, il ne suffit pas d’apprendre pour agir, mais il s’avère aussi formateur de créer pour comprendre ; c’est la raison pour laquelle Corail Artefact a développé des tutoriels qui allient découverte des techniques de tissage et familiarisation au corail[11].

L’étude des projets Corail Artefact et Crochet Coral Reef a révélé l’existence dans l’art d’une force argumentaire transformative des œuvres qui reposeraient sur un pouvoir-« faire comprendre ». Dès lors, nous souhaitons mettre en exergue le point d’articulation et de basculement du « faire comprendre » au « faire agir ».

Des forces transformatives en contexte : apports des théories du lien

Avec ses transformations techno-scientifiques, notre planète, comme le souligne bien Félix Guattari (1989), subit des déséquilibres écologiques dangereux pour la vie en surface et au cœur de nos océans, si nous n’y remédions pas. Dans le même temps, nos modes de vie individuels et collectifs (qui affectent notre intelligence et notre sensibilité) se dégradent progressivement. Même si la société perçoit aujourd’hui les menaces les plus visibles, elle ne s’attaque qu’aux nuisances industrielles. Guattari préconise alors une écosophie forte d’une articulation éthico-politique et philosophique dans une transversalité qui réunit rapports sociaux et économiques, rapports à la nature et rapports du mental pour sortir de l’« impasse planétaire ». Il faut prendre en compte les modalités variables et évolutives « entre les trois registres écologiques, celui de l’environnement, celui des rapports sociaux et celui de la subjectivité humaine ».

Que faire pour reconstruire cette attention défaillante ? Pour pallier les périls qui menacent notre ordre d’existence, il faudrait se montrer attentif aux autres mais aussi à tous ces risques climatiques et sociaux.

Comment recréer ces liens distendus, voire rompus, avec l’altérité du vivant ? 

Avant de sensibiliser, de faire saisir et de comprendre les enjeux écologiques, puis de faire agir, les œuvres/les artistes doivent, en premier lieu, tisser de nouveaux liens entre les individus et le vivant et resserrer ceux qui se sont distendus. Pour cela, ils doivent établir une proximité avec le public, c’est-à-dire transformer les distances « stériles et inertes » induites par l’insularité des œuvres en zones actives. Ce sont dans ces zones que se nouent, se lient et se tissent les forces transformatives des œuvres. Afin de comprendre comment ces espaces participent à la transformation des sujets, nous avons observé certains aspects des théories du lien et tenté de les mettre en tension avec les problématiques qui nous intéressent.

Les forces transformatives

Dans un premier temps, nous nous sommes appuyés sur les repères théoriques posés par Monique Dupré la Tour (2002), alors qu’elle interroge la nature du « lien de base ». Pour conceptualiser ce lien, elle évoque les apports de la psychanalyse, en particulier ceux de Freud (qui n’emploie pas le terme de « lien », mais celui de « liaison ») ; le lien de base serait une inter-liaison entre les individus qui vivent ensemble. Elle précise que le terme « liaison » est « utilisé par Freud pour connoter d’une façon très générale et dans des registres relativement divers […] qu’il est “une opération tendant […] à relier les représentations entre elles, à constituer et à maintenir des formes relativement stables” » (LAPLANCHE, PONTALIS : 1967 cités par DUPRÉ la TOUR : 2002). De ce point de vue, nous pensons que les œuvres pourraient aider à relier des représentations disparates et morcelées du réel qui décrivent, selon nous, un état de non-connexion entre les notions et concepts (écosophie, écocitoyenneté, Anthropocène, etc.) circulant dans nos espaces médiatiques et les images (catastrophiques ou magnifiées) du monde qui y sont (ou non) associées. Ces questions de la construction du psychisme sont signifiantes pour aborder les conditions d’existence des forces transformatives de l’art, qui dépendent ici des processus de la représentation et de la symbolisation.

De quelle manière œuvres et artistes parviennent-ils à créer et à stabiliser des formes ? 

Dupré la Tour (2002) nous donne des clés supplémentaires en relayant la théorie du lien chez Wilfred Bion (1959), alors définie comme un mécanisme d’identification projective[12]. À partir de la description du double mouvement du lien établi par les projections entre la mère et son enfant (et bilatéralement), nous envisageons qu’il existe des mécanismes d’« identification projective de communication » de ce type, qui peuvent élargir la compréhension de la mécanique des liens entre les artistes et le public. Il s’agit d’éclairer ce qui se joue dans l’intimité, cette proximité reportée (mère-enfant), pour transformer les distances « stériles et inertes » qui peuvent exister entre les œuvres et le public. Les œuvres seraient donc des dispositifs interactifs capables de déployer des zones actives dans lesquelles des connexions sensibles (liens communicationnels) permettraient de capter plus efficacement les projections idéologiques des artistes. Nous entendons bien ici le dispositif dans le sens des appareils théoriques de Foucault et Agamben (2006), pour lesquels le terme latin de « dispositio » lui confère sa nature stratégique, fondée sur les tensions entre pouvoir, théorie, pratique et savoir. La stabilité souhaitée serait atteignable, car, d’une part, l’espace psychique d’un individu se construit au sein d’un groupe (de naissance, de vie, d’activité, etc.) et participe à l’établissement d’un espace psychique hétérogène entre l’individu et le groupe ; et, d’autre part, parce que les données culturelles jouent un rôle dans la création du lien, son organisation et sa durabilité (GREEN : 1988 cité par DUPRÉ la TOUR : 2002). La nature même des modalités psychiques repose sur un principe de transformation des psychés les unes par rapport aux autres (AVRON : 1996 cité par DUPRÉ la TOUR : 2002). Cette phénoménalité témoigne d’une « forme de liaison énergétique entre les individus » (ibid.).

Dans un second temps, nous avons mobilisé des appareils théoriques de la sémiotique (comme théorie du sens) afin d’éclairer la manière dont les données culturelles et plus particulièrement artistiques peuvent initier de nouveaux liens dans les espaces psychiques des spectateurs. Les projets Corail Artefact et Crochet Coral Reef possèdent intrinsèquement de puissants ressorts médiatiques (dispositifs d’exposition, documentations écrites et visuelles), néanmoins la sociosémiotique des médias est opportune pour décrypter les pratiques, les dispositifs et les représentations du lien symbolique qui constitue le travail sur le réel opéré par ces œuvres (ZILBERBERG : 2009). Cette notion de lien symbolique est signifiante pour mettre en évidence la nature stratégique du dispositif artistique précédemment évoquée. Elle permet de pointer une articulation entre le symbolique et le concept de valeur, qui est des plus essentiels à la mobilisation espérée par l’Unesco.

Selon Fontanille (2008), « les valeurs sémiotiques seraient exclusivement articulées à partir de notre relation esthétique au monde sensible ». Dès lors, les valeurs éthiques seraient au centre des enjeux stratégiques et transformatifs. Sans développer ici les outils d’analyse d’une telle sémiotique, nous soulignons l’importance des valeurs éthiques dans la constitution des liens, car elles engendrent des tensions qui peuvent instituer des opérations de freinage ou de rupture et donc compromettre la stabilité des liens.

Ce dernier point nous aide à cerner la nécessité d’une éthique des pratiques, telle que Chaïm Perelman l’expose dans son Traité de l’argumentation (1988). Par le prisme de la sémiotique, les forces transformatives de l’art posséderaient des aspects similaires aux pratiques discursives et de la rhétorique et, plus particulièrement, du faire persuasif. Celui-ci arbitre les liaisons et les déliaisons entre l’argument, la personne et l’acte (PERELMAN : 1988). Ces aspects sont encore à creuser, mais, pour l’heure, ils débordent de ce premier cadre d’étude.

Conclusion

Notre questionnement de l’existence de forces transformatives propre à l’esthétique des coraux se conclut sur la complexité des stratégies artistiques (dispositio) qui doivent articuler dispositifs esthétiques et valeurs ou pratiques éthiques. 

Dans le sillage des biologistes qui ont lancé les premières alertes devant l’urgence climatique (BOWER : 2007 ; CLAVEL : 2012), les artistes se sont engagés à délivrer des messages de protection (care) de la nature en mêlant l’art écologique et la biologie de conservation. Dans cette mouvance écologico-scientifique, Margaret Wertheim (diplômée en sciences physiques) a vulgarisé, avec sa jumelle, des projets artistiques pluridisciplinaires à l’intersection de la biologie et des mathématiques, de l’activisme et de l’art féminin, tout stimulant leurs dimensions poétiques et esthétiques. 

Au-delà de sa spectaculaire esthétique, Crochet Coral Reef nous invite à considérer une représentation de la nature capable de changer notre rapport au monde et à son environnement naturel. Il nous fait prendre conscience de la fragilité du récif corallien dans son devenir, quand le Corail Artefact nous invite à l’action. La force de l’œuvre se révèle ainsi dans cet espace tissé (cette zone active) entre esthétique et écologie en produisant un effet sur les mentalités pour changer nos comportements (par identification projective de communication). Les ressorts médiatiques des œuvres ont le pouvoir de créer des liaisons énergétiques entre les individus. C’est dans cette dynamique que les jumelles Wertheim ont créé une œuvre participative à grande échelle qui, de par son caractère itinérant (Londres, Dublin, Washington, Pittsburgh…), permet de sensibiliser un maximum de personnes dans le monde entier. Le dispositif de cette œuvre favorise la percolation de la pensée écologiste des créatrices au cœur même du processus contemplatif du public. La psychanalyse décrit précisément les mécanismes qui permettent de transformer l’état de contemplation en état d’éveil de la conscience éthique. La sémiotique, quant à elle, nous explique que l’émotion ressentie devant ces œuvres par les spectateurs peut aider à changer nos mentalités grâce à cette diffusion de connaissances écologiques (force argumentaire transformative, articulation et basculement vers le « faire comprendre »). Certains auteurs (BARBANTI, BORDINI, VERNER : 2012) évoquent aussi la relation entre l’art et le monde dans une approche écosophique, en déterminant les orientations et les enjeux de ces œuvres. Le concept d’écosophie défini par Félix Guattari (1989) nous démontre bien que « l’histoire de la nature est une histoire systémique et évolutive, une histoire dans laquelle quantité et qualité sont constamment co-présentes, une histoire dans laquelle la dimension esthétique joue un rôle déterminant ». Cette expression esthétique de « tisser ensemble » suggère alors les notions de tisser et de contenir dans une perception complexe, nous renvoyant à un « tressage-tissage-tramage », paradigme esthétique d’un développement de singularités. Les œuvres d’artistes engagés nous exposent à une réponse esthétique au bouleversement climatique et à une vision personnelle qui mettent en lumière la dégradation de l’environnement de manière directe ou indirecte, en espérant susciter une réflexion critique du public sur le sujet. Corail Artefact renoue avec le vivant, humain et corallien, et démontre que la régénération des fonds marins nécessite une éducation au vivant.

Dans une société qui se désagrège économiquement et socialement, l’art s’engage souvent dans une démarche de solidarité sociale par des pratiques participatives collectives, ponctuées d’échanges et de partages. La mise en œuvre collective de valeurs écologiques a permis la mobilisation d’un grand nombre de pays pour sensibiliser le monde sur le blanchiment des coraux en une action commune et concrète de lutte. 

Ces diverses expériences esthétiques nous montrent que l’art est devenu, plus que jamais, un puissant moyen de réfléchir sur le monde présent, parce qu’il possède des ressorts médiatiques puissants. Il n’est pas seulement un guide à la fois spirituel et intellectuel, il fait aussi preuve d’un pédago-visme des plus stimulants. C’est ainsi que les œuvres parviennent à créer et à stabiliser des formes, des liens, et à nouer des constructions du réel jusque-là morcelées et disparates.

D’où cette question : « Peut-on penser que l’art est en soi “écosophique” ? » (BARBANTI, BORDINI, VERNER : 2012). 

Notices biographiques

Anne-Cécile Lenoël est docteure en design (qualifiée en 18e), enseignante, designer et chercheuse associée au sein du laboratoire Médiation, Information, Communication, Arts (MICA – EA 4426, axe ATIA), UBM. Ses thèmes de recherche portent sur l’analyse des enjeux du design contemporain, de leurs liens avec les champs de l’art, de l’urbain et des SIC.

Murielle Navarro est docteure en arts (théorie, pratique, histoire), intervenante en histoire de l’art et en arts plastiques dans le cadre associatif, membre associée au sein du laboratoire Médiation, Information, Communication, Arts (MICA – EA 4426, axe ATIA), UBM. Ses thèmes de recherche s’inscrivent dans l’étude esthétique des œuvres d’art qui revisitent les récits populaires et, principalement, les mythes et les contes cannibaliques.


Notes de bas de page

  1. Pression impactante des pratiques de remblaiement, de défrichement, et des pollutions diverses.
  2. Projet en ligne : https://crochetcoralreef.org (consulté en décembre 2024).
  3. « Comme une perte in process, comme un travail de Pénélope à l’envers. »
  4. Jérémy Gobé à lire sur le site : https://www.corailartefact.com/ (consulté le 10 janvier 2025).
  5. Biographie sur le site de l’artiste : https://www.jeremygobe.info/about (consulté le 10 janvier 2025).
  6. Biennale créée en 2012 par l’association HS Projets et coorganisée par la Ville de Clermont-Ferrand, le musée Bargoin et Clermont Auvergne Métroplole : http://the-fite.com/ (consulté le 3 février 2025).
  7. Avec une fabrication 100 % française, BCA est un biopolymère biosourcé et bioassimilable, enrichi en éléments naturels propices au développement des coraux. CCA est un béton écologique décarboné, sans extraction, métaux lourds, clinker ni sable.
  8. Fonds de dotation imaginé en 2015, lors du Trophée Jules-Verne, par Dona Bertarelli, mécène de la protection des océans, et son époux, Yann Guichard, skipper : https://spindriftforschools.com/ (consulté le 25 janvier 2025).
  9. La Commission océanographique intergouvernementale de l’Unesco est chargée de coordonner la mise en œuvre de la Décennie de l’océan.
  10. Réseau Canopé (réseau de création et d’accompagnement pédagogiques), destiné à la formation continue des enseignants : https://www.reseau-canope.fr/ (consulté le 25 janvier 2025).  Sur le sujet, programme de correspondances écocitoyennes Hémisphères : https://hemispheres.spindriftforschools.com/programme-hemispheres/le-dispositif (consulté le 25 janvier 2025).
  11. Voir Le Corail corne de cerf, avec les patients de l’Élan retrouvé ; Le Corail cerveau de Neptune, avec les résidents de l’Ehpad les Blés d’or : https://corailartefact.com
  12. Il s’agit ici d’un parti pris de recherche (tentative d’un éclairage singulier) en regard de la théorie de la reliance, mobilisée dans de nombreux travaux à partir, notamment, de ceux de MORIN (2004).

Bibliographie

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